La monarchie est abolie par la constituante le 25 juillet 1957. Bourguiba en est désigné président en attendant l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution qui est promulguée le 1er juin 1959
PROMULGATION DE LA REPUBLIQUE
La dynastie n'est pas authentiquement tunisienne : son fondateur,
Hussein Ier Bey, serait un renégat chrétien d'origine grecque. En réalité, il
est un Kouloughli, c'est-à-dire qu'il est issu du mariage d'un Grec converti à
l'islam et d'une Tunisienne.
La dynastie husseinite est faible parce que commandée par des monarques
souvent vieux et impotents. L’âge moyen des souverains à leur accession au
trône s'établit pourtant à 48 ans et 89 jours.
La dynastie s'est compromise avec l'occupant français pour la sauvegarde
d'un semblant de pouvoir :
Le bey dispose pourtant du pouvoir de rejeter les projets qui ne
relevaient pas des compétences exclusives de la résidence générale. Toutefois,
si le souverain dispose de ce pouvoir, encore faut-il que les circonstances le
lui permettent. Ainsi, la peur de la rupture joue un rôle majeur dans un
certain nombre d'épisodes :
Naceur Bey, menaçant d'abdiquer en 1922 si les revendications
destouriennes ne sont pas entendues par le résident général Lucien Saint, se
voit répliquer par celui-ci : « Cinq minutes suffisent pour ramener le drapeau
qui flotte sur votre palais, le remplacer par celui de la république et pour
annexer votre pays à l'Algérie ! » ;
En 1943, les généraux Henri Giraud et Alphonse Juin déposent Moncef Bey.
PRESIDENT BOURGUIBA - 1959-1987
Construction d'un État moderne
Le gouvernement se consacre, sous la direction de Bourguiba, à la
réalisation de ses programmes relatifs au parachèvement de la souveraineté
nationale et à la modernisation de la société. La politique suivie par l'État
s'articule autour de trois axes : politique et social, culturel et éducatif.
Les principales institutions tunisiennes sont « tunisifiées » comme la sûreté intérieure et extérieure, la magistrature, l'information, l'appareil diplomatique et l'administration. Les nouveaux corps des gouverneurs et des délégués sont créés et les fonctionnaires français sont remplacés par des fonctionnaires tunisiens. Bien que l'islam reste la religion d'État (le président doit par exemple être de religion musulmane), le pouvoir des chefs religieux est grandement réduit. L'indépendance monétaire est réalisée, le 19 septembre 1958, par l'instauration de la Banque centrale de Tunisie, et, le 18 octobre, par la création du dinar tunisien. Afin de combattre l'analphabétisme, dont le taux est encore extrêmement élevé à l'époque, la loi du 4 novembre, destinée à permettre l'avènement d'une école nouvelle, moderne, unifiée, gratuite et universelle, est promulguée. En dépit du fait que l'objectif de scolarisation fixé par la réforme n'est pas atteint dans les délais prévus, du fait de la croissance démographique rapide, les résultats sont positifs dans l'ensemble car l'école devient omniprésente, même dans les zones les plus reculées.
CRISE DE BIZERTE
Peu après l'indépendance, un contentieux, connu sous le nom de crise de
Bizerte, oppose le pays à la France à propos du port du même nom. En effet,
l'ancienne puissance coloniale conserve cette base navale stratégique pour
maintenir son influence sur la rive sud de la mer Méditerranée. En 1961, dans
un contexte d'achèvement prévisible de la guerre d'Algérie, la Tunisie
revendique la rétrocession de la base de Bizerte. La réaction militaire
française devant les agissements tunisiens est extrêmement ferme. La crise fait
près d'un millier de morts (essentiellement Tunisiens).
Peu de temps après, la France cède la base, finalement rétrocédée le 15 octobre 1963.
ECHEC DE L’EXPERIENCE SOCIALITE
Les 23 mars 1962 et 2 mars 1963 marquent un tournant dans l'histoire de
la Tunisie indépendante. En 1962 naît le « socialisme destourien » lorsque le
Conseil national du Néo-Destour proclame l'adoption du socialisme. En 1963, le Néo-Destour
adopte alors le régime du parti unique. Ces deux décisions signifient que
l'État devient le premier et unique responsable des destinées économique,
sociale et politique du pays, à la manière des régimes totalitaires apparus en
Europe de l'Est aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, et le champ de
l'initiative privée est réduit à sa plus simple expression. Toute activité
politique hors du cadre des structures du parti est interdite. Le développement
de la société civile est interrompu par l'imbrication poussée à l'extrême entre
le parti et toutes les organisations et associations. L'option en faveur du
socialisme comme doctrine économique est déterminante dans le choix du système
du parti unique, lequel choix est précipité par le complot avorté de 1962 dans
lequel trempent des officiers subalternes, d'anciens résistants et d'anciens
partisans de Ben Youssef. Un système autocratique est ainsi né.
Le ministre Ahmed Ben Salah est le principal bénéficiaire de la nouvelle
orientation adoptée par le régime. Il se consacre alors à la mise en
application de son programme économique et social, fort du soutien total de
Bourguiba mais en l'absence de toute forme de contrôle et sans avoir à rendre
des comptes. Le 12 mai 1964, les terres détenues par les colons français, et
qui s'étendent sur près de 450 000 hectares, sont nationalisées.
Toutefois, Ben Salah est rapidement confronté à de nombreux obstacles, au point que Bourguiba se trouve dans l'impossibilité de continuer à le protéger, surtout lorsque l'expérience de collectivisation forcée se retrouve dans l'impasse. Son échec est reconnu officiellement, la politique socialiste abandonnée et Ben Salah désavoué. Le Conseil de la République, qui est alors la plus haute instance exécutive du pays, décide officiellement l'abandon de la collectivisation, le 2 septembre 1969. Ben Salah est limogé et exclu du Néo-Destour, devenu entre-temps le Parti socialiste destourien, le 9 novembre avant d'être envoyé devant la Haute Cour pour être jugé.
TIMIDE REPRISE ECONOMIQUE
Après une période de pause de réflexion, Bourguiba choisit Hédi Nouira,
connu pour son opposition irréductible à la collectivisation, comme Premier
ministre. Le nouveau gouvernement prend rapidement des dispositions destinées à
éliminer les séquelles de la collectivisation dans le sens de la réhabilitation
du secteur privé et de la redynamisation de l'économie tunisienne, désormais au
cœur des préoccupations du gouvernement durant toutes les années 1970, au
détriment des préoccupations d'ordre social, culturel ou éducatif.
Cette décennie se caractérise par la priorité accordée à la rentabilité
économique des investissements de l'État, au détriment du rendement social,
ainsi que par une modification fondamentale au niveau du rythme d'accroissement
de l'endettement extérieur (taux d'endettement par rapport au PIB passant de
21,8 % en 1962 à 45 % en 1981), l'industrie comptant de plus en plus sur
l'importation (pièces de rechange, machines-outils, etc.). Des législations
incitatives pour les investissements étrangers sont mises en place.
En dépit de certains déséquilibres enregistrés durant cette période, cette décennie est celle de la réaffirmation de la prééminence du rendement et de la rentabilité économiques, ce qui entraîne l'accroissement du rythme de la production et la réalisation d'une vraie embellie économique, surtout durant la première moitié des années 1970, à la faveur du renchérissement des hydrocarbures (la Tunisie dégageant alors un excédent exportable) et de la succession de plusieurs années pluvieuses pour l'agriculture. Mais, dès que les cours du pétrole et la pluviométrie cessent d'être favorables, les incidences négatives de l'orientation libérale se révèlent au grand jour au niveau social.
DANS CE CONTEXTE, ECONOMIQUE DE NOMBREUSES CRISES EMERGENT
Crise des universités
Elle consiste en la multiplication des troubles et tensions qui
connaissent leur paroxysme avec les évènements du printemps 1968 et l'entrée de
l'université dans une crise profonde qui faillit compromettre jusqu'à son
existence et son patrimoine scientifique et cognitif durant les années 1960 et
jusqu'au milieu des années 1980.
Affrontements avec l'Union générale tunisienne du
travail
La crise culmine avec le mot d'ordre de la grève générale du 26 janvier
1978 qui donne lieu à des heurts entre forces de l'ordre et manifestants et à
l'intervention de l'armée. Les émeutes font 52 morts et 365 blessés.
Crise du système politique
Le système entre dans la crise
dès la fin des années 1960 du fait de l'isolement de la direction, de la
fermeture de tous les canaux d'expression et de la marginalisation d'une partie
importante des compétences. La crise est aggravée par le déclenchement de la
lutte de succession débutant avec le premier malaise cardiaque de Bourguiba du
14 mars 1975. Les mouvements politiques d'opposition fleurissent dans les
années 1970 en réaction au refus continu de Bourguiba d'admettre le pluralisme
politique, voire de toute idée de développement autonome de la société civile.
Le système autocratique ne peut s'adapter à cette nouvelle situation et se
contente de vaines tentatives pour rattraper les évènements et de réactions
instantanées, d'où les explosions successives qui ont lieu en janvier 1978 puis
en janvier 1980 sous la forme d'une rébellion armée dans la région de Gafsa
orchestrée par un groupe de nationalistes tunisiens expatriés et soutenus par
des parties étrangères. Il en résulte un passage à vide et le retrait de Nouira
de la scène politique pour cause de maladie.
Cette situation favorise la montée de l'islamisme qui mène le pays au
bord de la guerre civile avec des émeutes de plus en plus vives. Ainsi, entre
le 27 décembre 1983 et le 6 janvier 1984, les émeutes du pain, provoquées par les
augmentations du prix du pain et des produits céréaliers, font officiellement
70 morts. De plus, en 1986, le pays passe par une grave crise financière.
Bourguiba limoge le Premier ministre Mohamed Mzali et le remplace par Rachid
Sfar, ministre des Finances et de l'Économie, pour rétablir les équilibres
économico-financiers. Les intégristes menacent les acquis de la Tunisie et
Bourguiba, vieillissant, veut dès lors les éradiquer par la répression.
Commencé dans une atmosphère de libéralisme et de laïcisation de la société
tunisienne, le long règne de Bourguiba s'achève ainsi dans une lutte sans merci
contre la montée de l'islamisme menée par Zine el-Abidine Ben Ali, nommé
ministre de l'Intérieur puis Premier ministre.
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